L’analyse du rapport post-accident Guy Dauphin Environnement du 13 mai 2020 conduit au constat d’une grande impréparation de l’État pour apprécier dans les délais appropriés, l’impact sur la population des fumées, leur dangerosité.
Rappel : les 13 et 14 mai 2020 , un incendie avec un grand nuage noir !
Pour mémoire, quelques extraits de l’autorisation préfectorale relatifs au Véhicules Hors d’Usages (VHU) non dépollués
Important car ce sont eux qui comportent le plus des éléments inflammables logiquement :
dont 50 VHU non dépollués sur une surface de 500 m2 , soit 10M2 par véhicule, la surface d’un véhicule étant environ 5 x 2 m . Il ne devrait donc pas y avoir d’empilage de véhicules.
Il sera intéressant de vérifier l’emplacement sur le site de la surface dédiée aux véhicules “en attente de dépollution”.
Chronologie
Le communiqué de presse du Préfet mentionne qu’il s’agit de 700 carcasses dépolluées : Curieusement, le rapport indique que le feu serait parti d’un stock de ferrailles légères, se propage à un stock de VHU , qui a été maitrisé au bout de 4h30 alors que le feu “‘ferrailles légères” a duré en tout 11h .
Quelqu’un peut-il dire ce qui brule dans 700 VHUs dépollués compressés et dans un tas de ferrailles légères ? Y a t il encore des plastiques ( ABS, PVC .) dans ces VHUs qui en cas de combustion généreraient des gaz toxiques ? Logiquement, si l’étape suivante est le broyage, ne devrait-il pas n’y avoir que des métaux !
Mesures dans l’Air
A noter qu’un courrier du Sous-préfet aux associations ADZRP-VAMP-GRON – en date du 17.06.2020
indique que les premières mesures de toxicité aigüe du SDIS 44 ont relevé 0 ppm !.
Deux demandes ont été faites au SDIS44 pour connaître les équipements utilisés pour ces mesures qui ne peuvent que surprendre au regard des fumées et des mesures ultérieures. A ce jour, pas de réponse de SDIS44.
Mai 2021 : réponse SDIS : la Cellule Mobile d’Intervention chimique a utilisé ses détecteurs électrochimiques et tubes réactifs colorimétriques (Marque DRAEGER ) / toxicité
Le rapport indique que les pompiers du SDIS ont réalisés des prélèvements à partir de 4h40 le lendemain.
Soit plus de 8 heures après le début de l’incendie
et plus de 3h40 après avoir maitrisé le feu “VHU” vers 1h du matin.
Pour la petite histoire, il parait que les moyens de prélèvements (sacs TEDLAR) ont été avancés par la raffinerie TOTAL.
L’auteur du rapport affirme que ces mesures ne sont pas représentatives de l’exposition de la population :
Certes la durée de prélèvement est courte mais, on peut cependant s’étonner de la forte disparité des mesures de SO2 et de HCl , et surtout du niveau : jusqu’à 429mg/m3 de SO2 et 28,3 mg/m3 de Chlorure d’hydrogène à Saint-Nazaire ville.
Pour le SO2, le seuil d’effets réversibles ( S.E.R ) ( 7,8 mg/m3 pour 1 minute) a été dépassé au points P13 et P05, et très largement dépassé puisque l’on a mesuré 429 mg au point P4.
Le seuil des effets irréversibles – SEI 598 mg/m3 pour 1mn n’est pas dépassé, mais celui de 10mn ( 333 mg/m3) l’est.
Le rapport semble dire qu’il n’est pas possible de considérer que le seuil est dépassé, car les mesures n’ont duré que “quelques minutes” et pas 10 minutes.
Déjà, on s’étonnait du délai qui s’est écoulé entre le début de l’incendie et ses mesures,
On apprend ensuite qu’elles ne sont pas réalisées dans les conditions “réglementaires” de durée,
et on semble ignorer que les personnes présentes autour du point P4 ont respiré plus de 10 minutes un air ayant une concentration de SO2 supérieure au seuil d’effets irréversibles !
Commentaire sur les mesures d’Air Pays de la Loire
Le rapport compare (page 12) la station de Parc-Paysager et la station Belle Fontaine pour ce qui est du NO2 et du SO2 . On peut s’étonner que le rapport ne regarde pas les PM10 et surtout les PM2.5 de la station BLUM, un km plus loin
sur les PM10 , on peut constater une augmentation de quelques µg mais pas forcément significative, d’autant que la station est sur le côté du “cône de fumée”
Pour les PM2.5 , pas de chance le capteur était en panne dans la soirée du 13 mai.
Le rapport BURGEAP ne mentionne pas ces faits et donne sa conclusion, reprise par le sous-préfet dans son courrier du 08.02.2021 uniquement sur cette comparaison NO2 et SO2.
En résumé,
- Les équipes SDIS semblent disposer d’équipement de mesures de toxicité aiguë peu précis, puisqu’ils n’ont rien détecté.
- Les prélèvements par sac TEDLAR ont été fait très tardivement et n’auraient pas respecté les conditions réglementaires de durée de prélèvement pour leur prise en compte
- Des quantités de SO2 largement au delà des seuils d’effets réversibles ont cependant été mesurées sur trois des quatre points de mesure.
- La population habitant dans le quartier de la Maison des Associations (point P4) a été confrontée à un air pollué par le SO2 à des concentrations telles que des effets irréversibles sont possibles au delà de 10 minutes
- BURGEAP n’a pas examiné les mesures de la station BLUM qui capte les Particules PM10 et PM2.5 et n’a fait que regarder les mesures de polluants ordinaires (NO2, SO2) sur un capteur banal de Air Pays de la Loire, le dit capteur étant au bord du cône du panache
- et pourtant
le rapport BURGEAP conclut, à la “LUBRIZOL” , par une phrase sibylline reprise par le sous-préfet dans son courrier du 8.2.2020
“les mesures réalisées ne mettent pas en exergue de niveaux plus importants que ceux mesurés habituellement”
Une évidence quand on ne mesure pas ce qu’il faut, quand il faut et où il faut.
Certes , c’est plus difficile d’écrire que
- les mesures effectuées par le SDIS ont été tardives, trop courtes mais cependant très inquiétantes
- les mesures “réglementaires” des polluants réglementés d’Air Pays de la Loire ne sont pas pertinentes pour qualifier la dangerosité des fumées émises par un incendie
- que cela met en exergue une impréparation face aux risques d’accidents / incendies industriels dans une zone ou le nombre d’établissements industriels est tel qu’il est évident que de tels accidents se reproduiront. (pour preuve un 2eme incendie chez GDE le 12 janvier 2021)
D’où l’importance de mettre en place des moyens,
- opérationnels en permanence près des habitations mesurant les polluants les plus dangereux, tout autour de la zone industrielle
- complétés par des moyens spéciaux capables d’être opérationnels dans les 4 heures qui suivent l’accident
- et par des exercices annuels pour roder les personnels et les procédures
L’accident LUBRIZOL avait ouvert la voie .. il faut concrétiser sur toutes les zones industrielles à risque.
Pourquoi l’état n’oblige pas TOUTES les entreprises – pas seulement les SEVESO – pour lesquelles le risque d’incendie grave ne peut être écarté, mettre un place un système de mesures
- adapté à leurs potentiels émissions/fumées toxiques
- tenant compte des vents dominants et des habitations
- qui soit installé en permanence
- et déclenchable en tant que besoin par le SDIS
- et faisant l’objet d’exercices réguliers
Elisabeth BORNE l’avait demandé lors du CSPRT après LUBRIZOL.
Monsieur le sous-préfet pourrait ajouter à ses nombreuses dérogations – équivalent à des droits à polluer gratuits – quelques prescription obligeant à anticiper la gestion des “inévitables situations accidentelles”.
Ah oui , j’oubliais, c’est un investissement d’avenir ! ..on peut le faire dès maintenant !
Questions qui restent ouvertes
Qu’est ce qui a brulé ?
la présence significative de dioxyde de Soufre ( SO2) , prouvée par les mesures issues des prélèvements par le SDIS, permet de penser qu’il y a eu combustion de produits “pétroliers” .
Le Soufre ne viendrait-il pas de l’acide sulfurique H2SO4 que l’on trouve dans des batteries au Plomb. D’autant que les analyses de sols ont identifié des dépôts de Plomb ( prélèvements S10, S11 proches des habitations de Gron )
Le rapport indique des dépôts de zinc, cuivre et plomb très supérieurs aux mesures témoins de “la Camée”.
Curieusement, rien n’est dit sur le Cadmium, qui n’est pas quantifié sur les points de mesure , alors que les mesures sur les témoins ont relevé 0,5 . Cette valeur de 0,5 est très élevée au regard des mesures du département ( cf site Ministère développement durable) inférieures à 0,25 .De même pour le Mercure ( Hg) , soit-disant non quantifié sur les sites mais mesurés sur les témoins au niveau de 0,1 qui est , selon le document, la borne supérieure en France , et selon le même document ministériel semble être bien inférieur à 0,07 dans le département !
Concernant le Nickel et le Chrome, ils ne sont pas cités dans le rapport comme supérieurs au témoins, alors que le tableau des mesures montre des valeurs au point s10 de Gron supérieurs respectivement de 100% et de 50% par rapport aux témoins
Il n’y a très probablement pas que des “ferrailles légères” et des véhicules “dépollués” !
Pourquoi les mesures de sécurité n’ont pas fonctionné ?
GDE a communiqué sur ses “investissements” en sécurité incendie, gardiennage, surveillance, extinction …. Quelles sont les causes de leur dysfonctionnement ?
Enquête de “Gendarmerie”
Y-a-t-il eu une enquête pour examiner les éventuelles intrusions ?
et analyser les registres relatifs aux flux et stocks de matières dangereuses ( huiles, acides, etc ..) ?